Grâce à la littérature, Félix Bruzzone a pu se débarrasser de plusieurs choses. Guérisseuse et réconfortante. Mais pour ce faire, il a dû prendre sur lui quelque chose d’autrement plus pesant : le monde littéraire et sa charge énorme. Il regrette parfois l’époque où la littérature n’était pas son monde et son milieu, mais seulement lire et écrire comme si de rien. Après toutes ces plaintes, il reconnaît tout de même que ce monde, parfois si insupportable, lui a donné une famille. Marié à Sol, et pèrede Valentino, Eugenio et Carola, la meilleure chose qui lui soit arrivée est d’avoir pris un train à la capitale depuis Don Torcuato où il avait oublié d’emporter un livre avec lui : il a pu dormir durant tout le voyage.
Masochiste ou super exigent, il dit que ce qu’il a lu de mieux sont les Chroniques martiennes, auxquelles il découvrechaque fois plus de défauts chaque fois qu’il les reprend. Mais il les relit malgré tout.
Né en 1976, il a fait des études de lettres à l’Université de Buenos Aires, il a des ateliers littéraires et il travaille comme nettoyeur de piscines de natation. Il a publié des nouvelles dans des anthologies, des revues et des sites internet en Argentine, en France, en Italie, en Allemagne, au Mexique, en Uruguay et en Angleterre. En 2008 il a édité son recueil “76” à l’Editorial Tamarisco, fondée en2006 par lui-même et trois autres narrateurs, afin de publier leurs premières œuvres. Leur catalogue offre les textes d’auteurs tels Juan Diego Incardona, Federico Falco, Violeta Gorodischer et Margarita García Robayo, entre autres. En 2008 il a publié son premier roman, “Los topos”, chez Random House Mondadori, et en 2010 le deuxième, “Barrefondo” (Solarium pour sa version française). Ses livres sont traduits en France et en Allemagne, où il a reçu en 2010 le prix Anna Seghers. Il travaille depuis pas mal de temps à un projet, sur les environs de Campo de Mayo, la plus importante garnison militaire de l’Argentine. Avec 76, selon la critique, Félix a inauguré une manière autre de traiter des histoires du militantisme et de la dictature argentine, loin des recours et des clichés bien connus. C’est à la sonnerie du réveil, chaque matin, que Félix ne peut échapper au lieu commun : il prie pour « dix minutes de plus ».